Regards sur la Lune
Le satellite de la Terre attire l’attention de ses habitants depuis plusieurs millénaires. En effet, dès l’Antiquité, ceux-ci s’intéressent aux phases de la Lune et certains centrent même leur calendrier sur ses mouvements. Au fil du temps, les moyens de l’observer et l’image que la population en a ont beaucoup évolué, entraînant ainsi des possibilités d’accès à ce corps céleste. On peut alors se demander de quelle manière et dans quelles conditions c’est effectuée cette évolution, en en distinguant deux périodes majeures.
De l’Antiquité au XVIIème siècle
L’astronomie est la plus ancienne des sciences. Il est probable que dès que l’homme préhistorique se tint debout, il regarda le ciel, fasciné par la majesté brillante du Soleil et de la Lune, et par la myriade de points scintillants sur la voûte du ciel nocturne. Par ses réflexions, par son ingéniosité, l’homme acquit peu à peu la possibilité de se situer par rapport à l’Univers, et de décrire et expliquer son fonctionnement. Pendant de nombreux siècles, l’observation du mouvement de la Lune dans le ciel a constitué la principale occupation des astronomes car c’est l’astre le plus proche de la Terre, le plus visible et dont les mouvements cycliques sont les plus faciles à analyser mais également des écrivains, romanciers et poètes en tous genres.
Le Mythe de la Lune
Dans l’Antiquité, la Lune est très présente dans l’astrologie. On la retrouve dans de nombreuses croyances dispersées à travers le monde. Elle est au centre d’histoires légendaires et de superstitions des plus variées.
La lune est déifiée par presque toutes les civilisations. Cette divinité lunaire n’a pas de sexe bien déterminé. Si c’est une douce femme en Grèce, en Italie ou en Chine, c’était un mâle en Inde, au Proche-Orient ou en Egypte.
Cette divinité est à l’époque signe de fertilité, de fécondité et d’abondance dans la plupart des civilisations. Elle est ainsi souvent représentée par un taureau, signe de fécondité.
-En Mésopotamie, à Sumer, 2500 ans avant J-C, elle a été adorée sous le nom de Sîn ou de Nanna («Le lumineux »). Ce dieu, masculin, était représenté comme certains autres dieux sumériens par un taureau. Il était parfois affublé d’une grande barbe bleue de lapis-lazuli et coiffé d’une tiare à grandes cornes, symboles du taureau mais également du croissant lunaire. Sîn traverse le ciel à bord d’une grande barque.
Dans cette civilisation, le soleil n’est que le fils du dieu lune. De nombreux édifices, tels la grande ziggourat, érigée à Our, la capitale, servaient de temple dédié à la lune en même temps qu’observatoire astronomique. L’épouse de ce dieu, Ningal, le croissant de la nouvelle lune, est signe de fertilité pour les champs et pour les hommes. Cette corne généreuse sera plus tard surnommée « corne d’abondance »
La lune est également protectrice. Tapie dans l’obscurité, elle surprend les voleurs qui profitent de la nuit pour agir.
Du fait de la possibilité pour l’homme de l’observer sans en devenir aveugle, elle est moins agressive, moins percutante que le Soleil, et parait alors plus proche des hommes(les deux astres étant toujours soit époux, soit liés par parenté dans les mythologies)
Une autre « interprétation » de la Lune lui concédait trois représentations philosophiques selon ses phases : Chez les hindous la création lorsqu’elle croit, la conservation lors des pleines lunes, puis la destruction lorsqu’elle décroit. Les grecs, eux, ont trois divinités différentes pour chaque phase de la Lune : Artémis, le croissant de Lune ; Séléné, la pleine lune ; et Hécate, la nouvelle lune.
Deux peuples rejettent très tôt la divinité de la Lune, ainsi que les autres divinités. L’Islam et les Hébreux. Leur concept de Dieu unique les pousse à saccager des temples où logent des centaines d’idoles de tous les dieux. Avant que les fidèles de Mahomet ne portent sa parole dans tout le bassin méditerranéen, les marchands nomades d’Arabie vénéraient eux aussi le dieu lune, ce dieu viril qui les protégeait et accompagnait leurs caravanes la nuit. Ainsi Jéricho (« Lune » en hébreu), qui était un très ancien centre du culte lunaire, est la première ville détruite par les Hébreux au sortir du mont Sinaï et les 360 idoles représentants autant de dieux de La Mecque sont détruites, une des principales étant Hubal, la lune…
Le culte de la Lune survécut dans certaines régions du monde plusieurs siècles. Comme le culte que lui vouait le peuple sumérien, qui, même après la disparition de l’empire sumérien et l’avènement de l’islam ainsi que sa domination dans la région, survécût grâce notamment au rayonnement du temple lunaire de Harran, dans l’actuelle Turquie. Il fallut plus de deux siècles aux Arabes musulmans pour y mettre un terme définitif.
Outre les mythes et légendes la Lune a de tout temps inspiré les écrivains.
En effet, une des œuvres littéraires les plus anciennes de l’humanité, L’épopée de Gilgamesh, écrite XVII siècle avant la naissance de Jésus-Christ, raconte comment le héros, un demi-dieu, affronte un taureau céleste envoyé par la déesse lune.
Plus tard, toujours en Asie, un des plus grands poètes chinois de la grande dynastie des Tang, Li-Po, qui vécût au VIIIe siècle, s’adonne à la mélancolie sous la clarté blafarde de la Lune. Buveur reconnu, ses poèmes mêlent complainte, lune et alcool.
-BUVANT SEUL SOUS LA LUNE
Un pichet de vin au milieu des fleurs.
Je suis seul à boire, sans compagnon.
Ma coupe levée, je convie la lune :
Avec mon ombre nous sommes trois !
La lune, hélas ! ne sait pas boire,
Et mon ombre me suit sans comprendre.
Amies d’un instant, lune et ombre,
La joie ne dure qu’un printemps !
La lune vacille à mon chant :
A ma danse, l’ombre s’ébat.
Joyeux, nous veillons ensemble :
Ivres chacun s’en retourne.
Amies inanimées de toujours
Sur la Voie lactée, retrouvons nous
L’astronomie de la Lune
Si la lune exalte l’imagination, celle-ci engendre à son tour la curiosité. Cet astre « divin » obéit à certaines règles que l’homme a peu à peu décryptées. L’étude scientifique de la lune débute il y a très longtemps, avant l’Histoire même.
Afin de savoir quand partir à la chasse, cueillir, semer, récolter, déménager, les hommes de l’antiquité ne pouvaient se permettre de ne se fier qu’au retour quotidien du soleil. L’homme a vite constaté une alternance du jour et de la nuit, mais l’astre du jour était trop brillant, tandis que la lune était assez douce pour être regardée, et assez grosse pour être étudiée. L’homme a donc commencé à étudier cet astre.
Ayant remarqué la répétition des phases de la lune tous les 29,5 jours, toutes les grandes civilisations adoptèrent à l’origine un calendrier lunaire ou semi-lunaire, concocté par les sumériens.
Calendrier lunaire : Calendrier basé sur la rotation de la lune autour de la Terre. Une rotation entière dure 29 jours 12 heures 44 minutes et 3 secondes. C’est ce qu’on appelle un mois synodique. Mais on ne peut compter une année solaire (durée de rotation de la terre autour du soleil) en mois synodiques. Il a fallut alors inventer le
Calendrier luni-solaire : Calendrier où les mois sont lunaires mais les années solaires. Pour pouvoir diviser une année de 365 jours en mois, il a fallut que les hommes de l’antiquité procèdent par période de 19 ans. Durant 12 ans les années sont de 12 mois, mais les 7 années restantes sont constituées de 13 mois afin de rattraper le « temps perdu »
Ces calendriers luni-solaire apparaissent plus de 2000 ans avant J-C, mais des traces bien plus anciennes de calendriers lunaires (certes plus simples) sont archivées.
Les hommes préhistoriques auraient utilisé la lune pour se repérer. Une des plus anciennes traces remonte à plus de 10000ans. Effectivement, à Gontzi, en Ukraine, a été découvert un os d’ivoire taillé dans une défense de mammouth, sur lequel se trouvent des encoches qui, très probablement, signalent le passage de quatre lunaisons. Dans la séquence du mois 2, on voit 28 marques désignant les nuits où la lune était visible et deux pour les nuits de nouvelle lune. De plus les hommes du néolithique s’étaient déjà intéressé à la prédiction des éclipses de lune. De nombreux monuments de cette époque, les mégalithes, ont servi à l’observation des phases et des mouvements de la lune tels le très célèbre site de Stonehenge érigé en Grande-Bretagne 3000 ans avant J-C.
Les deux civilisations qui ont le plus cherché et contribué à l’astronomie sont celles du Moyen-Orient ancien puis un peu plus tard mais bien plus ardûment, les grecs.
Entre 1800 et 400 avant J-C, les Babyloniens développèrent le calendrier basé sur les mouvements du Soleil et les phases de la Lune. Durant les 400 années suivantes, ils se concentrèrent sur la prédiction avec précision du croissant lunaire suivant la Nouvelle lune, et se servirent de cette connaissance pour déterminer la durée exacte du mois lunaire, ce qu’ils réussirent à quelques minutes près.
Le résultat trouvé par Narubi’annu, astronome de la fin du IIIe siècle avant J-C est de 29,530641 jours pour un mois, tandis que la valeur d’un mois qui est actuellement reconnue est de 29,530588. Narubi’annu avait trouvé le même résultat que les astronomes contemporains au 1/10000 près.
Ils arrivèrent à ce résultat en remarquant de petites variations dans la vitesse apparente du Soleil et de la Lune ainsi que des changements de latitude de la lune. Ces variations furent analysées numériquement, en prenant en compte la périodicité de ces changements (qui étaient prévisibles avec le temps). Les Babyloniens se servirent également de ces méthodes numériques pour prédire des éclipses.
Mais la précision n’était pas optimale. Une grande découverte est alors attribuée aux Babyloniens : La découverte d’un cycle, le cycle de Saros. Ce cycle a une durée de 18 ans et 11 jours. A deux dates distantes d’un « saros », la configuration des astres Terre-Lune-Soleil sera pratiquement la même. Connaissant la date d’une éclipse, il est alors aisé de connaitre la date d’une éclipse prochaine.
Les Egyptiens, quant à eux, s’intéressèrent à la lune dans des visées agricoles. Leur étude des mouvements des astres fut perpétrée très tôt par les prêtres, afin de prédire les crues du Nil. Ils abandonnèrent rapidement le calendrier lunaire pour un calendrier solaire.
Les grecs sont sans aucun doute le peuple qui s’est le plus intéressé à l’astronomie dans l’antiquité. Leur pensée sur la lune domina les deux millénaires qui suivirent leur civilisation, jusqu’à l’époque de Copernic.
Certaines écoles grecques comme l’école Milésienne, l’école ionienne ou encore l’école Pythagoricienne ont beaucoup aidé l’astronomie
Epicycles : | - Petit cercle imaginé par les anciens astronomes et dont le centre est un point de la circonférence d’un plus grand cercle |
Excentriques : | - La théorie de l’excentrique fixe suppose que l’astre étudié décrive une trajectoire circulaire autour de la Terre, supposée immobile. La Terre T n’occupe toutefois pas le centre C de cette orbite. Aussi la distance séparant une planète de la Terre, par exemple, varie-t-elle au cours du temps. La planète apparaîtra donc d’autant plus brillante que sa distance à la Terre sera faible. - La théorie de l’excentrique mobile assignera quant à elle à ce point C un mouvement circulaire autour de la Terre, en sens opposé à celui de l’astre étudié. |
Nombreux sont les grecs à s’être lancés dans l’astronomie, chacun apportant une découverte supplémentaire au savoir sur la lune et le soleil. Excepté Aristarque de Samos, qui, au IIIème siècle avant J-C, énonce que le Soleil est le centre de l’univers, les grecs ne remettent pas en cause le géocentrisme, système où la Terre est au centre de l’Univers, ce qui les limitera dans leurs recherches et en faussera certaines.
Les plus célèbres des astronomes grecs
Thalès de Milet (625-547 av. J-C) se rendit célèbre notamment en prédisant des éclipses. Il est le premier savant grec à étudier la lune. Il emprunta certainement la connaissance du cycle de Saros au Moyen-Orient car il séjourna en Egypte, et la science de prédiction des éclipses n’existait alors pas en Grèce.
Anaxagore (500-428 av. J-C) énonce que la lune et les planètes –autres que la Terre, sont des corps solides en mouvement. Pour lui, la Lune n’émet pas sa propre lumière, mais reflète celle du Soleil. Il explique les éclipses :
Eclipse solaire : Eclipse générée par la présence de la lune entre le soleil et la Terre.
Eclipse lunaire : Eclipse générée par la présence de la terre entre le soleil et la lune.
Il est également le premier homme a proposé l’hypothèse de la pluralité des mondes habités, initiateur d’une véritable légende: la présence d’extraterrestres sur la Lune fait encore rêver de nos jours. Et un exemple ne se fait pas attendre puisque le grec Lucien de Samosate (120-180) écrit Histoire Véritable, œuvre dans laquelle le héros, lui-même se retrouve emporté dans la Lune. Il y découvre dans une histoire complètement fantaisiste la vie des Sélénites, habitants de la Lune. Ce roman, bien que ne possédant aucune référence scientifique, influera sur des œuvres bien plus récentes telles Etats et Empires de la Lune de Cyrano de Bergerac, ou encore sur Micromégas de Voltaire.
Méton (Ve siècle av. J-C) découvre un calendrier luni-solaire plus simple : en effet, à intervalles de 19 ans, les phases de la lune se situent exactement aux mêmes dates.
Eudoxe de Cnide (408-355 av. J-C) donne une explication au mouvement céleste selon des orbites circulaires. Il pense que chaque corps céleste est rattaché à un ensemble de sphères en cristal (pouvant être constitué d’une seule sphère) concentriques, centrées sur la Terre, selon les théories des épicycles et des excentriques mobiles.
Pour expliquer les mouvements de la Lune, Eudoxe utilise trois sphères concentriques, la Terre étant le centre de l’orbite de la première, qui est le centre de l’orbite de la deuxième, qui est le centre de l’orbite de la troisième, la Lune. Les trois épicycles correspondent aux trois mouvements principaux de la Lune : Son orbite quotidien, son orbite mensuel, et la période de Saros de 18 ans.
Aristote (384-322 av. J-C), après Calippe qui ajouta deux sphères au système, reprend la théorie des sphères homocentriques d’Eudoxe. Mais il l’approfondit plus et élabore un système de 56 sphères au total, en éther –matière inaltérable.
Mais les variations du diamètre apparent de la Lune contribueront à rejeter cette théorie, qui suppose un orbite circulaire et donc une distance Astre-Terre toujours égale.
Héraclide du Pont dit que la Terre tourne autour d’un axe de rotation sur elle-même en 24 heures. Il dit également que Vénus et Mercure tournent autour du Soleil.
Aristarque de Samos (310-230 av. J-C) calcule avec la géométrie les dimensions de la Terre grâce à la Lune.
Il parvint à évaluer le rapport du rayon lunaire sur le rayon terrestre –le diamètre de la Lune, en mesurant le temps que met le disque lunaire à traverser l’ombre de la Terre lors d’une éclipse lunaire. Bien que publiant dans son traité « Sur les dimensions et distances du Soleil et de la Lune » des résultats erronés, il trouve des méthodes ingénieuses pour trouver la distance relative des corps célestes, méthodes qui serviront à Hipparque ou Ptolémée.
Il développe la méthode de la dichotomie lunaire et les diagrammes d’éclipses.
Dichotomie lunaire : État de la Lune quand la moitié seulement de son disque est éclairée par le soleil.
Diagramme d’éclipse : Outil géométrique qui servit à déterminer les distances célestes jusqu’au XVIIème siècle.
Mais au-delà de toutes ses recherches, il reste célèbre pour avoir proposer que le Soleil se trouvait au centre de l’Univers.
Hipparque de Nicée (190-120 av. J-C) réalise le premier catalogue d’étoiles de l’Antiquité, prend la mesure de la période de révolution de la Lune, calcule l’inclinaison de l’orbite lunaire sur l’écliptique, qui n’est pas nulle car si c’était le cas, deux éclipses par mois auraient lieu (une lunaire et une solaire). Cette inclinaison est de 5°81’. Il calcule également la distance Terre/Lune, et élabore des tables très précises de prédiction de la Lune. Il est très connu pour avoir découvert la précession des équinoxes.
Précession des équinoxes : La précession des équinoxes est le lent changement de direction de l’axe de rotation de la Terre.
C’est à Hipparque que l’on doit la détermination de la durée exacte des quatre mois lunaires :
Mois sidéral : | Un mois lunaire sidéral correspond à la période orbitale de la Lune, c’est-à-dire le temps mis par la Lune pour effectuer une révolution complète de son orbite, mesurée dans un référentiel fixe ; il s’agit également du temps que met la Lune pour que, vue de la Terre, elle retrouve la même position par rapport aux étoiles sur la sphère céleste. Le mois sidéral vaut environ 27,321661 jours. |
Mois synodique : | Un mois lunaire synodique correspond à l’intervalle entre deux nouvelles Lunes consécutives. Le mois synodique vaut environ 29,530589 jours. |
Mois draconitique : | Un mois lunaire draconitique est la période entre deux passages de la Lune au même nœud de son orbite ; les nœuds sont les points où l’orbite lunaire coupe le plan de l’orbite de la Terre. Le mois draconitique est plus court que le mois sidéral à cause de la précession des nœuds lunaires ; celle-ci, principalement provoquée l’aplatissement de la Terre, conduit les nœuds à tourner le long du plan de l’écliptique. Un mois draconitique vaut en moyenne 27,212221 jours. |
Mois anomalistique : | Un mois lunaire anomalistique est l’intervalle de temps entre deux périgées de la Lune, c’est-à-dire le point de son orbite le plus proche de la Terre. Le grand axe de l’orbite lunaire, qui relie son périgée et son apogée, subit un phénomène de précession causée par les forces de marée solaires. Le mois anomalistique vaut en moyenne 27,554550 jours. La précession du grand axe lunaire possède une période de 3 232,6 jours, soit 8,85 ans. |
Cléomède (Ier siècle av. J-C) parle déjà de réfraction atmosphérique au Ier siècle après J-C, après avoir
observé une éclipse de Lune
Ptolémée (90-168) est l’auteur de L’Almageste, le plus important ouvrage d’astronomie de
l’Antiquité, qui sera le manuel standard de l’astronomie jusqu’au XVIème siècle. C’est une
compilation de toutes les découvertes astronomiques du passé auxquelles s’ajoutent les
découvertes personnelles de l’auteur.
Il découvre une irrégularité dans le mouvement de la Lune : l’évection
Évection : | Inégalité périodique de l’orbite lunaire dont la période est de 31,812 jours et produit un écart d’amplitude de 1 degré 16 minutes sur le mouvement uniforme de la Lune. |
Ptolémée surpasse les difficultés qu’il rencontra pour expliquer certaines anomalies et
contradictions sur le mouvement de la Lune notamment, grâce à des systèmes d’épicycles et d’excentriques plus ou moins complexes. Il insère un nouvel instrument, l’équant, qui représente le mouvement uniforme d’une sphère autour d’un point excentrique à la Terre.
a été capable de prédire la position de la Lune avec une exactitude de 10 minutes d’arc (ou 1/6
degré d’angle), ce qui représente pour l’époque une précision des plus grandes. La théorie de
Ptolémée eut beaucoup de succès, notamment grâce à la facilité de construction de tables
d’éphémérides qu’elle offrait. Mais Ptolémée fit une erreur importante dans ses calculs sur le
diamètre apparent de la Lune (il le dit de 2 alors qu’il est en réalité de 0,5), erreur qui
influencera Copernic dans sa critique du système ptoléméicien.
A la fin de l’Antiquité, les Grecs et les Byzantins ont considérablement avancé dans
l’astronomie. Le seul défaut est le système géocentrique dans lequel ils se sont placés, mais
cela ne les a pas empêchés de faire de grandes découvertes. L’astronomie va ensuite
disparaitre de l’intérêt public. Le Moyen-âge représente un désintérêt de la culture antique et les progrès de l’astronomie vont être considérablement ralentis notamment à cause de l’Eglise. L’Eglise chrétienne accepte la théorie de géocentrisme à un tel point qu’elle va en faire l’unique possibilité de fonctionnement du monde. Quiconque la contredit sera persécuté. L’intolérance de l’Eglise chrétienne explique pourquoi les seules recherches astronomiques du Moyen-Âge sont effectuées par les Arabes. Mais aucune de ces recherches n’est importante pour l’observation de la Lune
Il faut attendre Kepler et Copernic pour que la Lune soit remise à l’ordre du jour.
Du XVIème siècle à 1969
Le Mythe de la Lune dans la Littérature
A partir du XVIIème siècle, la Lune inspire beaucoup les écrivains. Dès la réintégration de la Lune dans l’intérêt commun, elle est le sujet de nombreux récits.
Ils sont d’abord principalement d’ordre fictionnel, mais écrits dans un but bien précis : Partager des connaissances astronomiques et défendre des théories à travers la littérature.
Ainsi au début du XVIIème siècle, Kepler écrit Le Songe où il crée un personnage transporté en rêve jusqu’à la Lune. Il trouve là-bas un peuple de démons. Kepler, qui est aussi un grand astronome, se sert de cette œuvre fictionnelle dans le but de partager ses connaissances et d’argumenter en faveur de la thèse de Copernic sur le mouvement de la Terre.
Paru un an après, le récit de Francis Godwin, évêque anglais, intitulé The Man in the Moon (ou L’Homme dans la Lune), narre le récit d’un explorateur espagnol qui parvint à se faire porter jusqu’à la Lune grâce à un attelage d’oies. Il se retrouve dans un monde utopique, duquel lui aussi peut vérifier les thèses scientifiques de l’époque.
Le dernier grand récit lunaire de l’époque, bien qu’il diffère des deux précédents par le fait qu’il n’expose aucun fait scientifique, parait une vingtaine d’années plus tard. Il est écrit par Cyrano de Bergerac et intitulé Etats et Empires de la Lune. Le personnage s’envole jusqu’à la Lune en attachant autour de lui des fioles remplies de rosées, qui ont été attirées par le Soleil. Il trouve sur la Lune une civilisation d’êtres qui paraissent humains, mais dont les mœurs sont le contraire de ceux de l’homme. Ce récit a lui été écrit dans une visée philosophique, afin d’établir la critique des préjugés européens ainsi que de l’intolérance religieuse de l’époque
Ces trois œuvres sont parues après la mort de leurs auteurs respectifs
Jules Verne, deux siècles plus tard, va reprendre la méthode de Kepler et Bergerac pour exposer des faits scientifiques sur la Lune. L’intrigue de son roman De la Terre à la Lune est complètement orientée vers la communication de données brutes sur la Lune.
La Lune n’est accessible que dans la littérature. Cela permet à l’auteur de divertir le lecteur en imaginant toute sorte de stratagème pour arriver à cet astre, pour ensuite l’instruire ou le convaincre, dans un monde fantastique.
Au XIXème siècle, le satellite de la Terre touche une autre catégorie d’écrivains, les poètes.
La clarté de la Lune inspire les plus grands poètes surtout en France et au Japon. En France notamment, les poètes –et plus particulièrement les romantiques, s’intéressent à cet astre dont la pâle et nocturne lumière possède deux significations : Une tristesse mélancolique (« Tristesses de la lune », Les Fleurs du Mal de Baudelaire) ou une chaleureuse bienveillance (« Heure exquise », La Bonne Chanson de Verlaine).
Heure exquiseLa lune blanche Luit dans les bois ; De chaque branche Part une voix Sous la ramée …Ô bien-aimée.L’étang reflète, Profond miroir, La silhouette Du saule noir Où le vent pleure …Rêvons, c’est l’heure.Un vaste et tendre Apaisement Semble descendre Du firmament Que l’astre irise …C’est l’heure exquise. |
A l’autre extrémité du continent Eurasiatique, la Lune règne sur la poésie nippone. Le plus célèbre auteur de haïkus –poèmes de trois vers, Matsuo Bashô en a souvent parlé dans ses compositions. Il illustre la fascination que les civilisations ont de tous temps eu pour la Lune en écrivant :
De temps en temps les nuages Nous reposent De temps regarder la Lune |
La Lune est toujours là la nuit, omniprésente. L’idée de Lune protectrice s’est perpétrée à travers les siècles. Dans l’Antiquité, elle surprenait les voleurs la nuit. Le moine Ryôkan écrit :
Le voleur M’a tout emporté sauf La Lune qui était à ma fenêtre |
La Lune est beaucoup écrite entre le XVIème et le XXème siècle, mais ce n’est pas le seul moyen de célébrer l’astre de la nuit.
Le Mythe de la lune
Dans les arts
La musique
La Lune ne pouvait être absente d’un monde qui se confond avec celui de la poésie –car la poésie est selon Verlaine « De la Musique avant toute chose ». De nombreuses chansons parlent de la Lune et la plus connue par le peuple Français est sans aucun doute Au clair de la Lune, chanson du XVIIème siècle dont on ne connait pas le compositeur, bien que certains l’attribuent à Jean-Baptiste Lully. Cette chanson dédiée à la Lune est apprise aux enfants dès leur plus jeune âge et elle fait partie intégrante du patrimoine français.
Une autre chanson, plus récente, parle des éclipses. C’est Le Soleil a rendez-vous aves la Lune, que Charles Trenet écrit en 1939.
Sting, le chanteur de The Police, à travers la chanson Walking On The Moon, transmet la volonté de fouler le sol de cet astre comme le font les récits de Kepler et Jules Verne, mais par la musique.
En 2008, des chercheurs américains trouvent dans les archives de l’Académie des sciences à Paris le plus vieil enregistrement sonore de l’Histoire de l’humanité. Il s’agit d’un brouhaha sonore, mais on distingue très clairement une voix chanter Au Clair de la Lune.
La peinture
La Lune est également exploitée dans l’art classé troisième selon Hegel, principalement à partir du XVème siècle et beaucoup au cours des XVIIIème et XIXème siècles –nous pouvons ici remarquer un parallèle entre les périodes d’intérêt pour la Lune dans l’art de la littérature et dans l’art de la peinture.
Sa clarté est d’une grande richesse pour la peinture, car elle permet d’explorer des jeux de lumières très intéressants, et qui peuvent donner des œuvres resplendissantes de beauté.
Les représentations symboliques de la Lune que l’on peut interpréter à partir des différents tableaux sont très diverses et couvrent la quasi-totalité des symboles de la Lune dans la mythologie.
Ainsi le tableau Deux hommes contemplant la Lune que Caspar David Friedrich peint en 1819 présente la Lune comme guide protecteur des deux hommes sur le sentier périlleux qu’ils traversent –comme les nomades d’Arabie dont les caravanes étaient guidées par la Lune.
Un des tableaux qui illustre le mieux l’étendue des possibilités de jeu avec les ombres et la lumière que fournit la Lune est sûrement celui de Manet intitulé Clair de lune sur le port de Boulogne qu’il peint en 1868 à Boulogne-sur-Mer. Manet jongle avec les noirs dans ce tableau, puisque le port entier est peint en noir, plus ou moins clair. L’éclairage lunaire fond les formes les unes dans les autres. Bien que les femmes sur le port soient réduites à un amas de coiffes blanches, elles sont distinguables les unes des autres très facilement.
Clair de lune au port de Boulogne |
Contrairement aux poètes et aux peintres, les cinéastes ont été peu inspirés par la Lune. Mis à part les films de petite envergure, la Lune n’est le centre seulement de deux grands films qui sont Le Voyage dans la Lune de Georges Méliès, qui est une adaptation culte du roman de Jules Verne De la Terre à la Lune ; et 2001 : Odyssée de l’espace, le plus grand film du célèbre Stanley Kubrick.
La Lune, après avoir connu son âge d’or dans les arts dans la deuxième partie de ce deuxième millénaire, va connaître une démystification en 1969. Un homme a marché sur la Lune. C’est un grand bouleversement car elle n’est plus la Lune inaccessible et pure qui faisait rêver. Le mystère est complètement levé et le désintérêt s’installe. Mais pas pour les scientifiques, qui, eux ne pouvaient rêver mieux. Ils explorent enfin une autre planète, aboutissement des énormes recherches menées pendant les quatre siècles qui ont précédé cet événement.
L’astronomie de la Lune
La fin du Moyen-âge
L’étude de la Lune n’intéressait plus, et ce depuis la fin de l’ère gréco-romaine. La seule civilisation à s’être intéressée à l’astrologie durant le Moyen-âge était les Arabes.
Mais à la fin du XVème siècle, on assiste à une renaissance de l’astronomie. Cette revitalisation est due à l’intérêt qu’un savant a eu pour l’astronomie ancienne. L’attention de ce savant polonais, du nom de Nicolas Copernic fût attirée par les commentaires d’un astronome allemand, Johannes Muller, sur la théorie lunaire de Ptolémée, selon laquelle le diamètre apparent de la Lune devait varier plus que ce que laissait voir l’observation.
Copernic renouvelle l’astronomie. Ce que les gens retiendront de lui, c’est sa déclaration selon laquelle la Terre n’est pas le centre du monde. Mais à côté de l’héliocentricité, qui ne concerne pas la Lune, Copernic propose une simplification importante des mouvements de la Lune en la débarrassant des équants de Ptolémée. Il corrige les erreurs de Ptolémée sur la distance Terre-Lune.
Au XVIème siècle, Tycho Brahé découvre qu’à mi-chemin entre les Pleines et Nouvelles lunes, et les quartiers, la Lune prend des avances et des retards de 72 minutes. Cette anomalie est appelée variation et est donc périodique de demi-révolution synodique, soit de 14,77 jours.
Il décrit également l’équation annuelle de la Lune, analysée plus tard par Kepler
Equation annuelle : Elle a pour expression : (0°11′ 16″) sinA, où A désigne l’anomalie moyenne du Soleil. Elle dépend de la distance de la Terre au Soleil, et par conséquent de la position de la Terre sur son orbite, d’où le nom d’équation annuelle.
Le XVIIème siècle marque un tournant dans l’observation de la Lune. En effet, en 1608, un opticien hollandais, Hans Lippershey, invente la première lunette astronomique. Elle a un grossissement de 3x.
La lunette astronomique dont s’est servi Galilée est loin d’avoir la précision des télescopes de nos jours. Ce qui ne l’empecha pas de faire de grandes découvertes
Galilée, un des plus grands astronomes de tous les temps, est à l’époque installé à Rome et est de suite passionné par un tel objet. Durant l’année 1609, il l’améliore et pousse le grossissement jusqu’à 9x. En examinant la Lune, il fait une première découverte majeure, la Lune possède un relief très accentué : Il y a des montagnes sur la Lune –ce que tout le monde saurait déjà à l’époque si le savoir grec avait été mieux transmis car des écrits du philosophe Démocrite, au Vème siècle avant J-C, relatent des taches de la face de la Lune qu’il associe à des montagnes. Puis, en examinant la surface de la Lune à différentes lunaisons, en regardant jusqu’où les sommets pouvaient être discernés dans le quartier obscur, il détermine la hauteur de ces montagnes. Il dessine alors des cratères lunaires : La sélénographie et la cartographie lunaire deviennent possibles.
La Lune poussera Galilée à faire une autre découverte : Le fait que la Lune tourne autour de la Terre et pas du Soleil est une exception. Mais si cette exception était en fait élargie à d’autres planètes, tel a été son raisonnement. Il tourne sa lunette durant plusieurs nuits sur Jupiter et découvre l’existence de « lunes » qui orbitent autour de Jupiter selon des cycles de quelques jours -La notion de « satellite » n’arrive qu’un an plus tard par Kepler. La Lune représente le concept des satellites : La Lune est un satellite, et les satellites sont des lunes.
Quelques semaines avant Galilée, c’est Thomas Harriot le premier à pointer une lunette astronomique vers le satellite de la Terre. Il est le premier observateur de la Lune.
Ces découvertes de Galilée, qu’il présente en 1610 dans son ouvrage Sidereus Nuncius, sont en fait cause d’une grande désillusion et d’une démystification partielle de la Lune. Elle n’est plus cet astre doux, lisse, propre, parfait qui est seul à ne pas obéir aux lois du cosmos.
Johannes Kepler est un grand astronome qui a beaucoup contribué à la découverte du fonctionnement du cosmos notamment grâce à ses trois lois, mais il n’apporta rien dans l’observation de la Lune
Isaac Newton, un demi-siècle plus tard, découvre la gravitation universelle en réfléchissant sur la nature du mouvement de la Lune ainsi que son irrégularité. D’après sa loi sur la force centrifuge ainsi que la troisième loi de Kepler, il stipule que la force gravitationnelle exercée sur la Lune diminue selon l’inverse du carré de la distance du centre du mouvement – par exemple si la distance Terre/Lune triplait, la force exercée sur la Lune serait 9fois moins puissante. Newton, de par son ingéniosité, venait d’expliquer l’irrégularité des mouvements de la Lune.
Cette découverte est une des bases de la mécanique céleste du XVIIIème siècle. Les tentatives d’élaboration de théories de gravitation de la Lune de plus en plus précises afin d’établir des tables d’éphémérides très élaborées se multiplient, et ce car l’étude du mouvement lunaire est devenue primordiale afin de déterminer la longitude lors d’une traversée nautique.
Newton renouvela également le télesope en en proposant un nouveau modèle incluant un second miroir:
Le télescope de Cassegrain est un dispositif optique composé de deux miroirs, un miroir primaire concave et parabolique, dit objectif, et un miroir secondaire convexe hyperbolique. Il est proposé en 1672 par Laurent Cassegrain. Sa facilité de construction en fera le téléscope le plus utilisé jusqu’a la fin du XIXème siècle
Ainsi Mayer donne une explication des librations de la Lune et fixe avec précision son axe de rotation, Euler, D’Alembert, Laplace, Plana, Doulcet de Pontécoulant, Lubbock, Delaunay apportèrent tous de plus ou moins grandes précision aux éphémérides. Il fallut donc attendre le XIXème siècle pour que ces éphémérides soient assez précises pour pouvoir déterminer une longitude. Hansen, en 1857, présente des éphémérides lunaires d’une précision telle que les erreurs n’étaient jamais supérieures à deux minutes.
Mais certains points du mouvement de la Lune restèrent mystérieux, et il faut attendre 1920 et Ernest William Brown pour les expliquer, grâce à la découverte de l’irrégularité du mouvement de rotation de la Terre, par cet astronome britannique.
Très complètement étudiés durant le XIXème siècle, les mouvements de la Lune n’ont presque plus de secrets pour les astronomes. Vers 1870, des instruments nouveaux comme les coronographes, qui sont capables de reproduire à volonté les conditions d’une éclipse, apparaissent. Les astronomes vont alors commencer à cesser de s’intéresser à la Lune.
La Lune restera ensuite pendant longtemps abandonnée des savants. Elle ne passionne plus, et il faut attendre la fin de la Seconde Guerre Mondiale pour que la recherche lunaire réapparaisse, mais dans une toute autre optique. En effet, avec le développement des fusées par l’équipe allemande de Wernher von Braun (1912-1977), il apparait possible aux hommes de pouvoir atteindre physiquement la Lune, afin d’en étudier le sol, les roches, ce qu’on y trouvera d’autre… L’intérêt pour cet astre atteint alors son apogée dans les années 1960, les cartographies lunaires se font de plus en plus précises et nombreuses, les études chimiques et physiques également. Une course a commencé entre les pays du monde entier, et c’est à qui aura la meilleure technologie afin d’atteindre le satellite de la Terre en premier.